Oser dire, oser être : 3 histoires de handicap qui résonnent fort

1 décembre 2025 - de Pépites emploi

Laura, Corinne et Yanis sont trois de nos candidats au Grand Pitch 2025. Vous avez peut-être vu leurs pitchs dès ce 17 novembre dernier. Ils ont choisi de se lancer dans l’aventure pour parler de leur parcours avec le handicap. Et ils témoignent de la difficulté que cela peut représenter. On les écoute.

En parler à ses proches, à ses collègues :  un parcours non dénué de risques

“Pour certains, parler de son handicap est une décision très pragmatique”, affirme Yohanna, notre cofondatrice. “Ils cherchent du boulot, et c’est malin d’aller voir des employeurs ouverts à entendre ce discours.” Mais pour d’autres, évoquer ce sujet peut être plus difficile. On n’en parle pas, ou on en parle. Mais cela reste un sujet intime et complexe à aborder.

Être à l’aise avec la notion de handicap : de quoi parle-t-on ?

Corinne a des problèmes de dos. Elle n’utilise pas le mot “handicap” pour en parler. “Quand tu dis que tu as une RQTH, les gens te regardent bizarrement. Ils ne relient pas ça avec mon opération du dos. On imagine plutôt le fauteuil roulant, les pathologies lourdes, le téléthon. Le handicap invisible, on n’en parle pas vraiment. C’est juste un ‘problème de santé’”.

Laura explique avoir du mal à se dire “handicapée”. Elle parle de “handicaps” au pluriel, de “problèmes” de vue et d’audition. Elle aussi associe le handicap à l’image du fauteuil. La preuve, intervient Corinne, sur les parkings c’est le pictogramme d’un fauteuil roulant qui signale les places réservées. Et selon elle, “handicapé et en situation de handicap, ce n’est pas pareil”. Pour Yanis, le mot “handicapé” s’applique aux handicaps moteurs, et “en situation de handicap” à tout ce qui est invisible. Difficile de s’approprier ce mot, et difficile d’en parler à son entourage.

Yanis en train de répéter son pitch
Parler de son handicap autour de soi, un défi

Il précise ne pas avoir besoin d’en discuter avec son cercle d’amis. Mais Yanis en a parlé ouvertement aux différentes entreprises dans lesquelles il a travaillé. Laura, elle, estime ne pas pouvoir demander à ses collègues d’être attentifs à telle ou telle difficulté si elle ne leur avoue pas ce qu’elle vit. “Quand j’ai de nouveaux collègues, je prends un moment pour leur expliquer ce que j’ai. Je ne le faisais pas avant. Ça fait partie des situations que j’explique pour qu’ils ne prennent pas mal des réactions qui dépendent de mon handicap”.

“Avant notre coaching, la plupart des candidats qu’on recrute pour nos clients n’en ont jamais parlé. Le Grand Pitch est un moyen de rendre le sujet public, d’en faire quelque chose de positif. Des anciens ont par exemple témoigné dans une entreprise, on leur a dit ‘tout ce temps, je me suis fait du mal, je me suis privé par peur du jugement, alors que je suis meilleur à être moi-même, mieux outillé, mieux compris’ »

Yohanna
Corinne pendant la session (festive) essayage pour la marque inclusive "Ouais, et alors ?"

Parler de ses besoins en aménagements de poste, une histoire de RH… et d’équipe

Nos trois candidats sont ambassadeurs de leur organisation, qui sont également nos partenaires. Yanis travaille chez TD SYNNEX, Laura au Ministère des Finances et Corinne chez Talan. Comment ont-ils évoqué leurs besoins en aménagement de poste avant de se porter volontaires pour un tel témoignage ? Yanis a estimé ne pas ressentir le besoin d’adaptation. “Si j’ai besoin de me lever à cause de mon TDAH, je peux. Mais la RH m’a dit que si j’avais besoin d’aménagement, ça pouvait se faire”.

Corinne indique avoir joué cartes sur table ー ce qui tombe bien, c’était le thème de son pitch. Elle avait obtenu un poste ergonomique chez son ancien employeur. Elle a estimé que si ça freinait chez son nouveau, ce ne serait pas la bonne entreprise pour elle. Elle a fait appel à son référent handicap, et a obtenu un poste ergonomique. “Je me suis sentie privilégiée, mais j’ai expliqué à mes collègues que j’avais des problèmes de dos. Et on a choisi le bureau de la même couleur que les leurs”.

Laura ajoute que quand on ne sait pas pourquoi tel ou tel aménagement a été accordé, cela nourrit l’imaginaire des collègues : “‘Pourquoi elle a ça et pas nous ?’. Quand on explique, ces questionnements disparaissent”. Si elle déclare ne pas avoir demandé de réel aménagement, ses collègues savent qu’elle ne peut pas conduire. Travailler en binôme est une possibilité, qu’elle active au quotidien pour cette raison : “Ça passe inaperçu”.

Laura s'entraîne à réciter son pitch

Prendre la parole au Grand Pitch, pour sensibiliser et se challenger

Yanis en est déjà à sa deuxième participation. Candidat en 2023, il revient en 2025 pour représenter son entreprise et dire ce qu’il n’a pas dit : “Je n’avais pas dit que je cachais mes troubles par mon humour, le fait de travailler un maximum. Je ne veux pas que les gens me voient comme quelqu’un d’hyperactif.”

Ce qui a décidé Corinne à participer au Grand Pitch, c’est sa fascination pour les personnes qui parlent en public ou qui font des discours, et qui parviennent à captiver un auditoire. “Moi, quand je parle aux gens, je suis transparente, on me coupe la parole. Je me sens inintéressante et j’ai l’impression d’ennuyer les gens”. Elle aimerait être une bonne oratrice. Elle participe pour qu’on lui donne des conseils pour s’affirmer, pour avoir plus confiance en soi.

Ce qui a décidé Laura à s’embarquer sur le Grand Pitch, c’est d’abord un moyen de sensibiliser à son (et au) handicap. Elle ne veut plus que ce soit un tabou. “Les gens sont gênés quand on leur en parle. Ils ne savent pas quoi dire, comment réagir”. Elle veut dire que ça existe, qu’il y a des personnes autour de soi qu’on ne soupçonne pas. Elle participe aussi pour se challenger : “Je suis dans une période où j’ai envie de tout envoyer valser. C’est arrivé là, je me suis dit que ça m’aiderait peut-être à me recentrer, reprendre confiance, me prouver que je peux faire des choses”.

Un groupe de candidat en train d'être coachés

Comment parler du handicap et de son parcours ?

Ce que souhaite Corinne, c’est expliquer qu’une RQTH peut s’appliquer à des problèmes de santé qu’on ne penserait pas liés à un handicap. Elle veut parler des aménagements que la RQTH permet d’obtenir : “J’aimerais que ce soit un déclencheur pour que les choses changent, pour que ça bouge. Dans toutes les entreprises, les écoles, on peut mettre en place des postes ergonomiques”. Elle ne trouve pas qu’en parler devant une caméra soit difficile. Mais elle a du mal à se voir, parce qu’elle n’accepte pas son image. Et puis, le concours amène parfois à s’exprimer devant un public, challenge de taille pour Corinne.

“La première chose dont les candidats ont besoin pour parler de leur handicap, c’est l’effet de groupe : voir l’exemple des autres et se dire ‘s’ils réussissent, alors moi aussi je peux’. Mais c’est aussi le temps passé au séminaire, dans une bulle bienveillante… Et les histoires vont toutes dans la même direction : ‘Avec le dialogue c’est mieux’”

Yohanna

Le message de Yanis est simple : “Si vous voulez enterrer certaines choses, vous pouvez le faire. Et si vous voulez les utiliser comme force, libre à vous. C’est vous qui décidez ce que vous voulez faire de vos troubles”. 

Laura voulait quant à elle montrer que son handicap est difficile au quotidien. Mais qu’il ne l’empêche pas de vivre : “Il y a des freins, des obstacles, mais pour autant je continue à avancer. Ça n’empêche pas d’avoir un travail, une vie de famille. On reste des gens comme tout le monde”. Elle sait que son message est une forme d’auto persuasion : “Je dis dans mon pitch ‘Je marche avec fierté’, mais ce n’est pas 100% vrai. Je le dis parce que c’est ce que je voudrais”.

Marcher avec fierté, c’est la volonté qui réunit nos candidats et lauréats du Grand Pitch tout au long des éditions. Une volonté de s’affirmer, de mieux se comprendre et de faire entendre une voix encore trop peu écoutée dans le monde du travail. Pour que demain, parler de handicap ne soit plus un acte de courage… mais un acte ordinaire.

    REJOIGNEZ LA COMMUNAUTÉ PÉPITES (candidat)RENCONTREZ NOS PÉPITES (entreprise)

    * ces champs sont obligatoires